Théâtre

Rien ne destinait a priori ces deux pièces à voisiner sous une seule couverture. Construction, écriture, humeur, style, tout y est opposable. La première en place est la deuxième en date, et plus de six années séparent leur création sur la scène ; autant, leur naissance sur le papier. Six années, c'est presque l'âge de raison. Seul le temps peut rendre cette différence négligeable. Mais, à la réflexion, des points de rapprochement apparaissent : l'une et l'autre sont d'inspiration légendaire ; l'une et l'autre ont pour thème fonda­ mental la Justice. Origines semblables; but identique : les voici sœurs. Dans Le cercle de craie , le dépaysement est total, et la justice reste une donnée abstraite, en quelque sorte gracieuse mais incontrôlable, un don du ciel - ou du hasard, selon l'optique de chacun. Les personnages obéissent à des impulsions qui ne sont pas tout à fait les leurs. « Quelque chose » leur est dicté par le destin pour que l'action s'accomplisse selon les règles qui font le jeu. Dans Le maquignon du Brandebourg , c'est le jeu qui fait les règles. Ici, le dépaysement n'est que relatif, et la justice devient une recherche passionnée, d'une certaine manière sanglante, essentiellement lucide, qui mène au conflit par le heurt de l'idée que l'on se fait de la justice dans différents groupements humains ; ici, le ciel n'a plus rien à dire ; et pourtant il parle, comme cela est dans son habitude; mais cela n'aboutit qu'à brouiller les cartes. Le cercle de craie est resté près de la légende. Le maquignon du Brandebourg s'est approché de l'histoire ; et c'est en cela que réside la véritable différence : l'une des pièces est statique ; l'autre dynamique. Différence qui, en fin de compte, assemble plus qu'elle ne sépare. Les deux œuvres se règlent leur compte toutes seules : cc Le cercle de craie » ne cesse d'être aimable et s'achève en comédie, cc Le maquignon de Brandebourg » ne badine point et s'achève tragiquement. Comédie? Tragédie? Qu'est-ce que cela signifie exactement ?