Angelica

Mince et plate, agile comme une chèvre, amoureuse de son île dont elle gravit à perdre haleine les éboulis brûlants, enfant de onze ans sur laquelle tout semble glisser, que rien n'émeut, voici Angelica au faîte de son bonheur sauvage. Un jour pourtant, sans l'avoir voulu mais également sans protester, elle quittera les Egades, prendra avec son père le chemin de la grande ville, et connaîtra là un étrange et monstrueux mariage. L'époux nouveau possède, comme tout le monde à Palerme, trois ou quatre sources de revenu dont une pension d'invalidité, mais il sait aussi planter des seringues en secret afin de soulager les maux de dents d'une voisine, et il s'énamourera d'Angelica pour avoir seulement entraperçu un losange de chair offert à son aiguille, à l'occasion d'un pied blessé. Elle fait bouillir les pâtes, remplit ses devoirs, et continue pourtant de jouer à la marelle. Trois fois par jour l'époux s'écrase sur son ventre d'enfant et croit alors la tenir... Il la tient en effet, sauf au milieu de la journée, lorsqu'une sieste lourde comme un cauchemar solaire permet à Angelica de s'envoler...