Archives juives n° 56-1 (1er semestre 2023)

Le préjugé antisémite d'un corps laid, malhabile et inapte à se régénérer par l'effort pesa longtemps sur les Juifs. Contredisant ce stéréotype, les Juifs investirent à partir de la fin du XIXe siècle la plupart des disciplines sportives, qu'il s'agisse des sports populaires tels que le football, la gymnastique ou la boxe, ou d'activités considérées comme plus nobles telles que l'escrime ou le tennis. C'est dans l'entre-deux-guerres que les Juifs de France commencèrent à structurer et institutionnaliser leurs pratiques sportives, dans une période marquée par la montée du fascisme et de l'antisémitisme. À la fois loisir, outil politique et manière de retourner les stéréotypes corporels qui pesaient sur eux depuis des siècles, le sport répondait ainsi à des besoins convergents. Sous l'influence de l'hygiénisme, et à l'image du reste de la société française, l'activité physique est alors prescrite aux enfants à l'école, mais aussi dans le cadre des loisirs, que ce soit au sein des clubs sportifs, du scoutisme ou des colonies de vacances. L'Alliance israélite universelle exporte ce modèle dans ses établissements scolaires du pourtour méditerranéen et du Moyen-Orient. Sous la conduite de l'historien Étienne Pénard, plusieurs spécialistes de l'histoire du sport explorent un domaine jusqu'ici peu défriché par l'historiographie. Accordant une attention particulière au quotidien du tissu associatif juif et non juif, les contributeurs de ce dossier étudient les pratiques sportives des Juifs en France dans leur dimension sociale, culturelle et politique.