Viser juste

Dans ce récit à la première personne, Adèle Haenel mène une enquête sous forme de reconstitution de scènes de crime, à partir d’expériences du passé. « Seule mon obsession à comprendre me rappelle que c’est sur ma propre mort que j’enquête. » En scénarisant des souvenirs épars du vécu de l’enfant, elle mène une véritable investigation, avec précision et âpreté, où les reconstitutions sont entrecoupées d’analyses depuis le futur, avec le regard distancié de celle qui n’est plus l’enfant qui a vécu ces expériences. Accédant peu à peu au sujet, l’enfant objectivé prend conscience par l’écriture de son existence, accède à l’être, au je , depuis le on indifférencié de l’enfance où sont vécues les violences répétées, socle du trauma initial. À travers cette analyse, au sens fort du terme, Adèle Haenel accueille l’entrée fracassante de la joie dans une vie de « mort vivante », recoud par la réflexion ce qu’elle a perdu en sensation ; pour « redevenir l’habitante légitime de [son] propre corps » dont elle a été dissociée, non pour survivre, mais pour fonctionner, pour en faire le lieu d’une potentielle exploration sensuelle et sensible de l’existence. Une écriture directe et percutante, incisive et non stylisée.