Sur Sartre
par Günther Anders
Crédits & contributions
- ÉditeurFARIO
- Parution03 avril 2026
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Bien qu’ils se soient sans doute croisés physiquement, notamment au cours d’Alexandre Kojève, ou qu’ils aient publiés dans un même numéro des Recherches philosophiques , la revue d’Alexandre Koyré, les chemins de Sartre et d’Anders sont restés énigmatiquement parallèles. Sartre ignorant ou feignant d’ignorer son contemporain viennois, Anders découvrant l’existentialisme avec un train de retard comme il le dira lui-même. Si Anders retrouve — on ne sait trop si c’est avec humour ou amertume — la reprise de certaines de ses thèses des années trente dans les ouvrages à succès de Sartre, quinze ans plus tard, la lecture qu’il en fait, après avoir assisté à New-York à une représentation des Mouches, est tout simplement magistrale. Anders ne reproche pas seulement à Sartre d’employer des concepts ou des notions déjà existantes, entre autres sous sa plume, il se livre à une archéologie de ce qu’il nomme l’illusion sartrienne. Son regard s’exerce tant sur le plan de la tragédie — Oreste est un Prométhée récusant l’autorité de Zeus, dans la lignée de ceux de Shelley, de Goethe ou d’Ibsen — que dans le registre philosophique. C’est chez Heidegger qu’il discerne la source de cette illusion. L’engagement sartrien est celui d’un sujet qui ne conquiert sa liberté que dans le fait d’assumer une action, comme Oreste revendique son crime. Cette supposée liberté implique le choix de l’action mais d’une action indéterminée, sans situation, et elle constitue ainsi un nouveau nihilisme, un saut dans le vide en dehors du temps de l’histoire et de l’espace du monde. * « Cependant, tant que la sincérité (et non le but) de l’action est au centre de leur philosophie, tant qu’ils se plaisent parmi nous à ne pas être esthétiques, ce sont des subjectivistes : la disposition de la moralité est devenue leur but, et ils jouent à un jeu qui s’appelle « Soyons sincères ». En d’autres termes, leur motivation est purement formaliste, puisque ce qui est en jeu, ce n’est pas une cause définie, mais simplement l’attitude d’ouverture aux causes. Ce n’est pas un hasard si Heidegger n’a pas éprouvé de difficultés à mobiliser sa morale « existentielle » pour la cause de la dictature, alors que les sartriens combattaient ceux qui s’inspiraient de l’« audace » existentielle de Heidegger. Ce fait est décisif : la division indique une ambiguïté primordiale de la cause. Il suffit d’imaginer les concepts d’« être engagé » et d’« acte » appliqués à un contexte historique différent, par exemple à un mouvement allemand de renaissance du national-socialisme — le danger est évident. » G.A .
