Journal de couple

À travers le Journal de couple, Laurențiu Ciprian Tudor retourne dans la sphère abstraite des valeurs poétiques classiques, ressuscitant le je lyrique dans un pseudo-déroulement épique (dans son cas, l'approche ironique concerne l'épopée elle-même, son statut et ses possibilités fondatrices plutôt que sa refondation, la démystification plutôt que la re-mythisation), réinventant (ou recontextualisant) la confession lyrique, repositionnant la poésie comme création en train de se faire continuellement (par ces mots chargés de force illocutoire, ces doings de la philosophie du langage de J.L. Austin). À son expérience personnelle, il ajoute une dimension mythique, dans une nouvelle mythologie (qui n'est pas née du besoin aigu de « désenchantement » cher aux postmodernes), celle du couple, qui facilite l'accès non seulement aux significations, mais aussi à l'expérience poétique, à la recherche de l'humanité dans sa profondeur poétique. Laurențiu Ciprian Tudor invite à un voyage de création et de déconstruction, à un parcours sans fin sur le ruban à une seule face (du couple) et à un seul bord (l'évasion extraconjugale remémorée, soi-disant héroïque, descendue des temps ancestraux), qui a la propriété d'être non orientable et qui porte le nom du mathématicien allemand August Ferdinand Möbius. Apparemment, c'est un voyage sans espoir de réussir à restituer cette vie déroulée vers sa source, car l'intériorité et l'extériorité de la cohabitation semblent changer. Dans ce voyage sur la même surface topologique, le moi devient extérieur à lui-même, tout en restant également intérieur. Adrian Lesenciuc