Les Ombra
Crédits & contributions
- ÉditeurACTES SUD
- Parution01 avril 2004
- CollectionUn endroit où aller
Prix TTC
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La diversité du style dans les neufs récits que comptent «Les Ombra» frappe immédiatement le lecteur. Anna Maria Ortese y parle de l'enfance, des familles napolitaines, des rêves qui hantent ou qui bercent, de la foi et de l'absence de foi, et de la solitude. Mais la diversité des sujets abordés n'a d'égale que la virtuosité de l'écrivain à les fondre en un tout harmonieux, chaque récit finissant par en appeler - et en rappeler - un autre. Ainsi, le thème de l'enfance appelle la rêverie, ce qui donne «L'homme de l'île» ; la rêverie fait naître les souvenirs, et son corollaire, la nostalgie, lien qui crée l'émotion diffuse de «La grande rue». Lorsque tout se fond, l'écrivain laisse passer sous sa plume un lyrisme vibrant, et quand elle décrit les transformations d'un paysage perçu par un oeil métaphorique, son écriture devient proprement magique. Les envolées proustiennes d'«Une pièce ensorcelée» en sont le plus bel exemple. Si nombre des personnages sont de doux rêveurs, c'est parce qu'à l'instar de ceux de «L'infante ensevelie» ou du« Silence de Milan», ils restent marqués par la vie. Mais ici, la souffrance a moins pour origine un déclassement social qu'un sentiment de profonde solitude. Et l'auteur décline les conséquences de la déréliction dans ses aspects les plus divers. Il y a des personnages abandonnés de Dieu parce que la foi ne les atteint pas (la petite Luciana des «Ombra») ou parce qu'elle est trompeuse et mensongère (la fillette qui attend l'Ange qui ne viendra jamais) ; il y a le poète délaissé par son inspirateur et mentor (Allessandro, dans «L'ami du prince»), il y a des amoureux que l'amour a fuis, il y a des enfants dont les parents se détournent («Indifférence de la mère»). Comme toujours chez Anna Maria Ortese, le trait est fin, léger, les douleurs sont racontées à mi-mot, chuchotées afin, dirait-on, de laisser une chance au bonheur de s'immiscer dans ces existences amères. Et ce clair-obscur, bouleversant, fait penser au cinéma italien, d'où l'on ressort le rire aux lèvres et les yeux pleins de larmes.
