Faut-il croire au droit ?

Cet ouvrage a vocation à présenter un panorama des courants critiques du droit apparus à partir du XIXe siècle, qu'ils aient pris naissance parmi les juristes ou le contemplent de l'extérieur. On n'entend pas ici par « courant critique » des attaques portées contre le contenu de tel ou tel système juridique, ni la dénonciation de dysfonctionnements récurrents, mais une perspective plus fondamentale : le questionnement sur l'infaillibilité du droit lui-même comme système. La fiction la plus essentielle au système juridique dans un système démocratique et sécularisé est celle du juge « puissance en quelque sorte nulle » et simple « bouche de la loi », pour reprendre les termes de Montesquieu. Seule cette conception mécaniste du droit permet en effet de conserver une continuité du commandement énoncé par le représentant à son application au sujet de droit. Quoique de nombreux auteurs, depuis la fin du XIXe siècle, aient montré les faiblesses d'une telle conception, la majorité des juristes, pourtant, continuent à faire comme si le droit « disait » ceci ou « voulait » cela, opposant son caractère neutre, objectif et statique au discours politique, partisan, passionné et mobile. Les approches présentées ici sont celles qui, depuis plus d'un siècle, cherchent non pas à tant à remettre en cause le fond du droit qu'à mettre en lumière ses impensés. C'est ainsi, en effet, qu'on peut percevoir les effets du droit sur les grandes questions contemporaines, celles du genre et du racisme, en particulier.