Le marchand d'étoffes

« On se lève tôt lorsque l'amour nous étreint : il nous presse de vivre. Après qu'eut bruiné la rosée, mais avant que n'eût chanté le coq, le jeune homme s'engouffra dans l'entrepôt de la Via Luccoli, lanterne à la main. Les étagères s'illuminèrent et leurs ombres grotesques s'affolèrent. Vert. Vert, avait-elle demandé. L'étrange paradoxe selon le teinturier : a priori omniprésent dans la nature, le vert était dans les faits l'une des couleurs les plus difficiles à saisir. Bien naïf celui qui croit qu'il suffisait d'essorer le feuillage d'un arbre ou de presser la crinière d'un pré pour en extraire un principe tinctorial prêt à l'emploi : quelle que fût la plante choisie, la substance verte qu'elle renfermait semblait s'évanouir dès que l'on tentait de s'en saisir. » Amoureux des mots, infatigable voyageur, historien à ses heures, Alain Baur parcourt le monde à la recherche du juste ton dans tous les arts.